Interdiction du dehp dans les tubulures
J’ai posé le mardi 3 juin 2014 une question orale à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, concernant la loi du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Plus particulièrement, en son article 3, la loi prévoit que, à compter du 1er juillet 2015, l’utilisation de tubulures comportant du DEHP est interdite dans les services de pédiatrie, de néonatologie et de maternité.
Or, les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux sont aujourd’hui confrontées à de nombreuses difficultés et ne seront pas en mesure de fournir le nouveau matériel en juillet 2015 et d’assurer pleinement la sécurité des patients.
En effet, des incertitudes existent toujours quant à la composition du produit de remplacement. Les effets à long terme des produits alternatifs au DEHP ne sont pas connus, et des études sont toujours en cours.
Par exemple, il n’existe à ce jour aucune alternative au DEHP présentant des caractéristiques comparables, notamment pour ce qui est de la durée de conservation des globules rouges jusqu’à 42 jours. Le produit de remplacement proposé à l’heure actuelle ne permettrait qu’une conservation de 28 jours, ce qui poserait des problèmes d’approvisionnement sanguin.
De plus, des études complémentaires doivent être réalisées pour ce qui concerne la résistance et la fiabilité des produits.
Comme vous le savez, madame la secrétaire d’État, à partir du moment où une solution alternative est choisie pour la fabrication d’un dispositif de collecte et de transfusion de sang, un délai minimum de trois ans est nécessaire avant que le matériel ne soit disponible sur le marché, auquel s’ajoute une phase de deux ans pour la France, ce qui nous conduit au 1er juillet 2017.
La situation est identique pour les dispositifs médicaux cardiovasculaires. Les entreprises ont la capacité de procéder à ce changement technologique, mais, pour des raisons de sécurité, elles ne peuvent pas le faire à l’échéance de juillet 2015.
Par ailleurs, la loi prévoyant l’interdiction du DEHP ne précise pas les types de tubulures concernés. Dans la transfusion sanguine, il s’agit d’un ensemble : les poches de sang, tubulures, embouts, canaux ne peuvent être considérés individuellement.
Si les principales entreprises fournissant le matériel médical se retirent de notre pays, les répercussions seront catastrophiques. Il faut donc évaluer le rapport entre le bénéfice que le matériel procure au patient et le risque qu’il lui fait courir.
Madame la secrétaire d’État, dites-nous quels types de tubulures sont concernés par cette loi et si le Gouvernement envisage de reporter l’interdiction du DEHP, afin d’aider les entreprises à s’adapter à cette mesure et, surtout, d’assurer la sécurité des patients ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion :
Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine. Je vous répondrai de façon précise.
Vous avez attiré l’attention du Gouvernement sur l’article 3 de la loi du 24 décembre 2012 visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A.
Il est important de préciser que cet article interdit l’utilisation du DEHP – de DiEthylHexyl Phthalate en anglais -dans les tubulures destinées à être utilisées au sein des services de pédiatrie, de néonatalogie et de maternité. Cette interdiction prendra effet à compter du 1er juillet 2015 ; celle-ci ne concerne pas l’utilisation du DEHP dans les poches destinées à contenir des produits sanguins labiles.
Vous indiquez que les entreprises qui fournissent les dispositifs médicaux sont aujourd’hui confrontées à de nombreuses difficultés et ne seront pas en mesure de fournir le nouveau matériel en juillet 2015 ni d’assurer pleinement la sécurité des patients, car il n’existe pas à ce jour d’alternative au DEHP présentant des caractéristiques comparables.
La restriction d’utilisation du DEHP est nécessaire, au regard notamment du rapport établi à la demande des autorités européennes dès 2008 par le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux sur la sécurité des dispositifs médicaux contenant du PVC plastifié au DEHP utilisés pour les nouveau-nés et d’autres populations éventuellement à risque.
Ce rapport indique que, même en l’absence de preuves cliniques et épidémiologiques d’effets délétères chez l’homme, les doses auxquelles sont exposés les patients dans certaines procédures médicales, notamment répétées, suscitent l’inquiétude. Il souligne aussi un risque particulier d’intoxication aiguë due à l’exposition au DEHP du nouveau-né en unités de soins intensifs de néonatalogie.
Du fait de sa petite taille, de sa vulnérabilité physique et des nombreux soins reçus au travers de dispositifs médicaux contenant du DEHP, le nouveau-né est en effet très exposé.
C’est pour toutes ces raisons que Marisol Touraine a soutenu l’initiative parlementaire relative à l’article 3 de la loi précitée.
En ce qui concerne les tubulures, il est indispensable d’appuyer toutes les initiatives permettant la mise en œuvre, dans les meilleures conditions, des dispositions de la loi du 24 décembre 2012.
Au vu de ces éléments, vous comprendrez, madame la sénatrice, que Marisol Touraine soit particulièrement attachée à ce que la loi s’applique le plus rapidement possible.
La parole est à Mme Patricia Schillinger :
Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu la réponse de Mme Touraine, mais celle-ci n’est pas claire s’agissant des tubulures autorisées pour la transfusion sanguine à partir de 2017.
J’attire l’attention du Gouvernement sur le fait que l’autorisation d’un médicament ou d’un dispositif médical doit obligatoirement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu’il apporte au patient et le risque qu’il lui fait courir. S’il est toujours possible de se passer d’un jouet ou d’un conditionnement alimentaire, il n’en est pas de même d’un traitement médical, qui, par définition, présente toujours des risques. Il est donc nécessaire d’évaluer ces risques pour estimer si ceux-ci sont inférieurs aux bénéfices attendus pour le patient.
De plus, le produit de remplacement prévu pour les tubulures risque d’être plus dangereux que le DEHP. Aussi, il me semble important de laisser un peu de temps aux entreprises pour réaliser l’ensemble des études relatives à la fiabilité et à la sécurité du matériel médical.