Débat sur « La France dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

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Séance publique le  :  Jeudi 29 janvier 2015

Monsieur le Président, Madame la Ministre, Mes cher(e)s collègues,

Je suis très heureuse de participer, aujourd’hui, à ce débat car je crois que notre système de santé est à la croisée des chemins. Ce débat est donc essentiel.

Selon les organismes internationaux, notre système de santé est l’un des plus performants. Par exemple, pour l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la France a le meilleur système de santé dans le monde. Les Français vivent de plus en plus longtemps – 85 ans pour les femmes, et 78 ans pour les hommes – et ce, malgré une alimentation très riche, accentuée parfois par une forte consommation d’alcool et de tabac.

L’OCDE a publié également en 2013 le panorama de la santé. Selon ce dernier, le système de santé en France demeure performant et efficace. En effet, il continue d’assurer l’une des meilleures prises en charge des coûts de santé de la population parmi les pays de l’OCDE. Toutefois, toujours selon l’OCDE, la pérennité de notre système pourrait être menacée par un renouvellement insuffisant de la population médicale.
Si 90 % des français pensent que notre système de santé offre des soins de qualité, 39% d’entre eux avouent avoir, malheureusement, déjà renoncé à des soins en raison de leur coût. Les français pensent que notre système de santé doit être amélioré afin de répondre aux besoins de l’ensemble de la population.

Entre le nombre de personnes renonçant à se soigner par manque de moyens et les inégalités socio-professionnelles dans l’accès aux traitements, le système français semble être en perte de vitesse. Nous sommes confrontés à un véritable paradoxe : notre système de santé considéré comme l’un des plus performants est aussi celui où, parmi les pays d’Europe de l’Ouest, les inégalités sociales et territoriales de santé sont les plus marquées.

Ces différentes inégalités, auxquelles il faudra apporter des réponses, sont de plusieurs sortes :

Tout d’abord, en matière d’offre de soins. En effet, l’offre de soins est répartie de façon inégalitaire sur l’ensemble du territoire français. Le temps d’accès à un généraliste diffère sur l’ensemble du territoire. Globalement, il s’allonge dans les zones rurales, les professionnels se concentrant dans les zones urbaines. Les « déserts médicaux » se multiplient à la campagne et en banlieue. Ces problèmes existent depuis longtemps.

Les dépassements d’honoraires, l’allongement des listes d’attente, la difficulté à trouver un médecin le soir ou le week-end, tel est le quotidien des français. Parmi tous ces problèmes auxquels ils sont confrontés, les dépassements d’honoraires constituent un obstacle à l’accès aux soins.

Nous observons également de larges inégalités en matière de santé et de mortalité. Et malheureusement, ces inégalités s’accroissent de plus en plus. La France est le pays où les inégalités de santé sont les plus fortes entre les sexes, les catégories sociales et les zones géographiques. Les plus instruits, les professions les plus qualifiées et les ménages les plus aisés bénéficient d’une espérance de vie plus longue et se trouvent en meilleure santé. Les patients issus de milieux favorisés ont 1,5 à 2 fois plus de chance de guérir que les autres. Autre exemple, le taux de prématurité varie du simple au triple en fonction du niveau scolaire de la mère. Les inégalités apparaissent précocement puisque, dès l’école, on détecte des différences dans la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires et dans l’apparition du surpoids.

Les inégalités en matière de mortalité selon la catégorie sociale placent également la France en situation peu favorable par rapport à d’autres pays européens comparables. Par exemple, à 35 ans, un ouvrier a une espérance de vie inférieure de sept ans à celle d’un cadre.

Selon un rapport de la Drees, si l’état de santé des français apparaît globalement bon, le taux de mortalité prématurée, c’est-à-dire avant 65 ans, reste, en revanche, l’un des plus élevé de l’Union européenne.

Toutes ces inégalités peuvent s’expliquer par une politique de santé principalement axée sur l’accès aux soins «plutôt que sur la promotion de la santé». En effet, notre système est axé sur la performance médicale. Il obtient de très bons résultats dans certains domaines (maladies cardio-vasculaires, espérance de vie aux âges élevés), mais comparé à de nombreux pays, il obtient de mauvais chiffres en termes de mortalité prématurée, notamment en raison du manque de prévention ou de dépistage. Ainsi, la politique sanitaire en France demeure, malheureusement, encore trop axée sur le curatif.

Face à toutes ces inégalités, la prévention peut jouer un rôle important. Elle doit devenir une priorité en matière de santé publique.

Par ailleurs, la crise économique que nous connaissons actuellement renforce la nécessité de réfléchir sur ces inégalités et commande la mise en place de politiques publiques permettant de garantir à l’ensemble de la population une certaine égalité en matière de santé.

Telle catégorie de population ne doit pas, plus qu’une autre, être victime de certaines affections, et c’est là tout le rôle de l’éducation en matière sanitaire.

D’autant plus que celle-ci, permettrait également de générer des économies. Nous pouvons, par exemple, selon les estimations des scientifiques, déjà craindre pour les prochaines années une hausse des maladies chroniques telles que les cancers, le diabète, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires. La Fédération internationale du diabète, annonce une augmentation de 55 % du nombre de diabétiques en France d’ici 2025. Une politique de prévention adaptée menée sur le long terme permettrait en l’occurrence, de faire des économies en anticipant sur ces phénomènes.

De plus, bien souvent, ces maladies sont devenues la cause de décès prématurés avant 65 ans. Environ deux tiers de ces décès prématurés seraient évitables par une action préventive efficace.

Aujourd’hui, certains facteurs de risque sont désormais bien identifiés : tabac, nutrition, alcool, expositions professionnelles, environnement, produits illicites…. On peut donc mieux appréhender et agir sur ces risques.

La promotion de la santé implique d’agir sur l’ensemble des déterminants de la santé : les conditions de vie, les facteurs et comportements personnels, l’environnement économique, social et culturel. Les politiques de santé doivent être menées en intelligence avec les autres politiques publiques. La prévention doit devenir une priorité en matière de santé publique. Et je me réjouis que Mme la Ministre de la Santé ait mis dans son projet de loi Santé un grand volet sur la PREVENTION.

Nous devons développer une véritable culture de la santé, en faisant comprendre que celle-ci se bâtit progressivement tout au long de la vie.

Je souhaiterais évoquer la situation des maternités dans notre pays. Aujourd’hui, la sécurité des naissances demeure imparfaite dans un certain nombre de situations. En effet, les décrets de 1998, seize ans après leur parution, ne sont pas pleinement respectés. Ils ne sont pas mis en oeuvre dans toutes leurs dimensions. L’étude de la Cour des comptes met en évidence des insuffisances qui appellent un effort de planification. Nous observons des problèmes d’effectifs. Alors que la démographie des professionnels de la périnatalité est plus élevée que jamais, on relève, paradoxalement, des inégalités territoriales très prononcées. Les évolutions démographiques à venir, dans ces professions, pourraient encore creuser. Il est à craindre que certains établissements, dans certains territoires – territoires ruraux isolés ou territoires urbains concentrant des populations défavorisées – ne s’en trouvent encore fragilisés.

Par ailleurs, la sécurité des prises en charge doit être amélioré. Les décrets de 1998 sont très prescriptifs quant à la sécurité des locaux dans le secteur de la naissance. Or, tel n’est pas toujours le cas dans certains établissements. Les décrets de 1998 doivent êtres davantage respectés. Il s’agit d’un enjeu de santé publique important.

Avant de conclure, je souhaiterais aborder, ici, le sujet des médicaments. Le déficit de plus en plus important et récurrent de l’assurance-maladie est source d’inquiétude. Selon une étude, les génériques sont 30% plus chers en France par rapport aux autres pays européens avec des pics à 100% pour des antihypertenseurs, pour des antibiotiques et autres produits pour la prostate. On ne peut plus continuer comme ça. Notre système est régulièrement jugé complexe et opaque.

En juin dernier, 15 pays, avec le soutien de la Commission européenne, se sont adressés à l’industrie pharmaceutique. Dans cette déclaration commune, les signataires (dont la France), affirment que ces traitements « sont extrêmement élevés et insoutenables pour les budgets de santé ». Ils demandent aux laboratoires un « compromis adéquat » entre leurs gains et l’accès aux soins. Il faut une politique européenne commune du médicament.

L’industrie pharmaceutique se défend en justifiant de ses marges bénéficiaires par le réinvestissement dans la recherche. Difficile à croire alors que moins de 15 % du chiffre d’affaires des laboratoires est réinvesti dans la recherche et le développement ! Pour le marketing et la publicité, ce taux est de l’ordre de 20-25 %.

Nous devons avoir une transparence exemplaire sur le prix des médicaments. Il faut une véritable politique de régulation.

J’ajouterai également que nous devons trouver des solutions au problème de rupture de stock de médicaments. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a dénombré entre septembre 2012 et octobre 2013 près de 324 ruptures de médicaments et 103 risques. La France doit s’adresser aux usines délocalisées en Inde ou en Chine. Le moindre problème dans la chaine de production entraîne un retard considérable. Cette difficulté est dès lors accentuée lorsque les laboratoires pharmaceutiques détiennent le monopole d’exploitation. Cette dépendance envers l’industrie pharmaceutique mondiale est d’autant plus inquiétante qu’elle ne fait que s’accentuer. Si 80 % de ces produits étaient fabriqués au sein de l’Union européenne il y a près de 30 ans, ce taux a chuté, aujourd’hui, environ de moitié, ce qui a pour incidence de compliquer considérablement le contrôle des différents sites et la maîtrise de l’ensemble de la chaîne de production du médicament. Cette situation est inquiétante et nous devons trouver des réponses.

Pour finir, je dirais que notre système de santé est encore très performant, mais pour qu’il le reste nous devons absolument réduire les inégalités sociales, améliorer l’accès aux soins, promouvoir davantage la prévention et réguler le prix des médicaments. Le projet de loi du Gouvernement est donc très attendu.

Nous sommes à la croisée des chemins pour notre système de santé et nous devons l’améliorer afin de préparer notre avenir.

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